Belgique - Cap Nord suite 11
LLN – Cap Nord Départ : 04/01/2022
J12 Mesjoen (Nor) – Innhavet (Nor) 15/01/2022
Ce matin, dès le levé, je jette un coup d’œil à l’extérieur ; il ne neige plus, le vent semble s’être calmé.
Petit-déjeuner comme je les aime – pain, beurre, confiture et café -, puis, je descends dans le garage où j’ai pu garer la machine, pour les vérifications d’usage, dont l’état du pneu arrière…il est dégonflé.
Le manomètre indique 1,2 kg, il en manque 1,5 de perdu en 24h.
La fuite se confirme, mais c’est gérable ; je résoudrai ce souci à Tromso. J’ai d’autres petits points à voir et à arranger, si bien qu’il est 9h lorsque je prends la route.
Le vent est tombé, il ne neige plus, la température est de -2° ; voilà des conditions qui me redonnent du courage, peut-être que si cela se maintient, pourrai-je rouler une partie de la soirée pour quand même arriver à Tromso dans les délais et passer un peu de temps avec ma fille et Mégane qui l’accompagne.
La route reste très glissante, mais avec cette bonne visibilité, je peux mieux anticiper et rouler à 50 – 65 Km/h.
Je me suis fait une frayeur… ! Les routes en montagnes, ils les aiment avec virages relevés, genre anneau de Daytona ; si cela doit donner de bons effets à 90 ou 100 Km/h, cela se transforme en tobogan pour sidecar Ural circulant à 45 km/h, et face à un poids-lourd… .
Je glissai sur sa bande de roue gauche et pas moyen de remonter le rail de glace qui m’eut permis de rejoindre mes traces, à droite. Ma roue avant ripait sur ce rail bordant les bandes de roulements de chaque côté de la route.
Le face à face se dirigeait dangereusement vers un « face contre face ».
Je donnais de petits coups d’accélérateur qui donnent une impulsion vers la droite au sidecar, mais cela ne suffisait pas ; surtout, ne pas freiner, ne pas couper les gaz ! Ce qui m’eut mené à gauche toute.
Alors, lorsque le camion ne fut plus qu’à 50 m – je pense qu’il avait ralenti, voyant ma difficulté – je donnai un coup d’accélérateur plus franc – c’est très contre nature, d’accélérer en pareille circonstance !! – et, ouf !, ma roue avant sauta l’obstacle, le reste du side suivant sa voie.
C’est vite écrit, mais j’ai eu la trouille de ma vie et je sentis mon palpitant cogner pendant quelques minutes.
Après cet incident, je me suis sérieusement méfié de ces dévers et croisai les autres véhicules à 30km/h, pas plus.
J’avançais bien, le side marchait bien ; la nature avait comme « la gueule de bois » après le déchaînement de la veille. Tout était recouvert de neige ; la moindre verticale, plaquée sur une face de neige/glace, avec violence. Les entrées de tunnel, encombrées de congères sur plusieurs dizaines de mètres.
Rien ne bougeait plus ; pas un flocon, pas une risée.
Je passai par des petits cols entre rochers énormes dont les écoulements de fonte des neiges étaient figés, de couleur terre. J’aurais aimé prendre plus de photos de ces vestiges témoins d’une nature débridée, mais s’y arrêter ne s’y prêtait vraiment pas ; les routes sont trop étroites et trop glissantes.
A 13h, je m’arrête pour faire le plein, regonfler mon pneu arrière – il a perdu 1kg !! – et manger un bout ; cette fois, je m’offre un sandwich garni et un café. A 13h45’, je suis déjà reparti.
Et voilà qu’il reneige ; faiblement d’abord et puis, de plus en plus fort. Mais, sans le vent d’hier. Cela me ralentit un peu, car la visibilité baisse d’un cran.
Une heure plus tard, sur un plateau élevé, plat comme la main à perte de vue, sillonne la route glacée que parcourent des traits de neige poussés par un vent d’Ouest. Quelques km’s plus loin, je passerai la ligne du Cercle Polaire Arctique, sans m’arrêter. La température a perdu 4°, il fait -6.
Dans la longue descente maintenant fort enneigée, je dépasse deux camions en mauvaise posture ; l’un a pu garder sa cabine sur la route, mais la remorque est dans le fossé, l’ensemble dans un équilibre instable. L’autre a fini sa course en contrebas, sans casse apparente. J’y vais piano.
L’obscurité s’installe déjà, alors qu’il n’est que 15h… faut s’habituer. Il neige toujours et avec cette nuit qui prend place, je vois de moins en moins bien ; en plaine, les camions me doublent, les voitures me doublent et c’est à chaque fois avec un peu de stress que je tente de bien garder ma droite, de ne pas toucher avec la roue avant une boursouflure de neige, une langue de glace qui me pousserait d’un coup de l’autre côté de la voie.
Vers 16h, il fait nuit noire et je ne croise plus personne. Mes phares trouent la nuit vaille que vaille, les milliers de flocons foncent vers ma visière avant de l’éviter au dernier instant, me « saoûlant » un peu. Il me faut résister à la tentation des les regarder sous peine de perdre ma trace.
Dans le noir, je me sens isolé, avec peu de repères ; juste le bruit du moteur, l’éclat de mes phares. Tout le reste est ténèbres. Il n’y a pas d’horizon. Les ténèbres me ramènent à ma finitude, à ma petitesse. Il faut un peu de courage pour y rester, pour continuer en ces contrées inconnues de moi.
J’ai toujours été fasciné par leurs effets, autant attiré par eux que mal à l’aise, désireux d’en sortir.
J’ai compris aussi que je n’arriverai pas à Tromso, pas aujourd’hui. C’est dommage, mais ce n’est pas grave.
Dans 80 km, ce sera Innvanet et je devrai pouvoir y loger. Il me faut 1H45’ pour y arriver.
On m’accueille gentiment, une jeune femme fumant sa cigarette sur le pas de la porte, me lance un « cool ! » en pointant le side.
Je couvre la machine pour la nuit, car on annonce encore des chutes de neige ; bizarrement, la température ici est de + 2°c.
Demain, il me restera 364 km pour rejoindre Tromso, dont un ferry.
Ma fille m’y a trouvé un hôtel avec garage couvert, ce qui me permettra de bricoler un peu et de faire réparer mon pneu. Je compte y rester deux - trois jours avant de poursuivre.
Je suis tenté par un détour vers les Lofoten…avant de filer au Nordkapp.
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